Le Conseil fédéral propose de modifier l’Ordonnance sur l’assurance-maladie (OaMal) en vue de conférer à tous les médecins de premier recours, et non seulement aux psychiatres-psychothérapeutes, la possibilité de prescrire des psychothérapies effectuées par des psychologues-psychothérapeutes.
Le système actuel garantit non seulement une qualité des soins pour les patients, mais également un contrôle-qualité qui permet d’éviter que des soins prodigués par des psychologues, ne concernant pas des troubles psychiatriques, soient pris en charge par l’assurance de base.
Dès lors, le Groupe des Psychiatres-Psychothérapeutes Genevois demande que la prescription de la psychothérapie soit faite uniquement par les psychiatres-psychothérapeutes à l’exclusion de tout autre médecin.
En revanche, les psychiatres genevois ne s’opposent pas – bien au contraire! – à ce que les conditions cadres de la délégation des psychothérapies soient redéfinies par le Conseil fédéral afin que celle-ci s’opère dans les meilleures conditions possibles pour le patient, le psychologue-psychothérapeute, et le psychiatre.
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En Suisse, à l’heure actuelle, les patients nécessitant de soins psychiques sont généralement pris en charge par un psychiatre-psychothérapeute. Dans ce cadre, les patients sont couverts par l’assurance de base.
Le psychiatre-psychothérapeute évalue la situation (notamment les cas d’urgence), pose un diagnostic, ordonne, cas échéant, une psychothérapie, valide subséquemment la poursuite du traitement retenu et/ou évalue l’opportunité d’y mettre fin.
Dans le cadre de son activité, le psychiatre peut déléguer, selon le cadre légal actuel, la psychothérapie à un psychologue. En d’autres termes, il peut confier à un psychologue-psychothérapeute, qui œuvrera sous sa responsabilité exclusive, une partie du traitement.
Dans ce contexte, la psychothérapie – qu’elle soit pratiquée par le psychiatre-psychothérapeute ou déléguée à un psychologue-psychothérapeute – n’est pas une fin en soi. Elle constitue un outil, une étape parmi d’autres mises en place par le psychiatre, après analyse approfondie du cas de chaque patient, qui s’inscrit dans une démarche thérapeutique plus large.
Le projet du Conseil fédéral proposant de modifier l’Ordonnance sur l’assurance maladie (OaMal) prévoit, notamment, d’élargir à tous les médecins de premiers recours (généralistes, médecins praticiens, pédiatres et gynécologues), la possibilité de prescrire une psychothérapie.
Concrètement, si ce projet de modification de loi entre en vigueur, la prescription d’une psychothérapie à un psychologue-psychothérapeute ne sera plus l’apanage des seuls psychiatres-psychothérapeutes, mais pourra être ordonnée par tout médecin de premier recours.
L’élargissement du spectre des médecins pouvant déléguer une psychothérapie engendrera inévitablement des risques majeurs pour le patient, associé à une baisse de la qualité des soins prodigués, eu égard à la formation nécessaire à une telle prescription.
Les nouvelles compétences conférées aux médecins non-psychiatres poseraient également de nouvelles problématiques sous l’angle de la responsabilité thérapeutique.
Enfin, les modifications proposées par le Conseil fédéral auraient des répercussions non négligeables sur les coûts de la santé.
Les psychiatres-psychothérapeutes sont des médecins. Tel n’est pas le cas des psychologues-psychothérapeutes.
Après l’obtention du diplôme de médecin (7 ans d’études universitaires), les psychiatres-psychothérapeutes suivent, au minimum, 6 années de formation postgrade en milieu hospitalier et ambulatoire.
Durant ces années, ils effectuent de nombreuses gardes qui leur permettent d’être confrontés à des prises en charge d’urgence et de crise. C’est également à cette occasion que les psychiatres-psychothérapeutes sont amenés à suivre les traitements thérapeutiques appliqués régulièrement en psychiatrie tels que la psychothérapie; le traitement psychiatrique; la psychothérapie intégrée; etc.
Au terme de leur parcours didactique, les psychiatres-psychothérapeutes sont tenus de suivre de manière régulière et soutenue une formation continue.
C’est cette longue formation, exigeante et pointue, qui permet aux psychiatres-psychothérapeutes de poser un diagnostic éclairé et, cas échéant, de décider d’une psychothérapie pour leurs patients.
La psychiatrie est la seule formation qui permet aux médecins de poser des diagnostics différentiels (soit, différencier une pathologie d’une autre qui présenterait des symptômes similaires), tant psychiatriques que somatiques (hyperthyroïdie, hypothyroïdie, atteinte neurologique, troubles électrolytiques ou hématologiques, etc.)
Ainsi, ni le psychologue-psychothérapeute – qui n’est pas au bénéfice d’une formation médicale –, ni un médecin d’une autre spécialité, ne sont en mesure de déterminer de la nécessité d’une psychothérapie, de son suivi, de son évaluation en cours de traitement et de son terme.
Dès lors, la prescription d’une thérapie effectuée par un médecin non-psychiatre risque d’augmenter la morbidité et la mortalité chez les patients.
En effet, les médecins de premier recours et encore moins les psychologues-psychothérapeutes, ne sont formés pour identifier et gérer les risques suicidaires et les risques de passage à l’acte hétéro-agressif.
Comme déjà indiqué supra, à l’heure actuelle, le principe de la délégation confère au psychiatre–psychothérapeute la compétence de définir si une psychothérapie est nécessaire et, cas échéant, la responsabilité sur dite psychothérapie, quand bien même celle-ci serait déléguée à un psychologue.
Ainsi, en cas de psychothérapie déléguée, la loi actuelle ordonne au psychiatre-psychothérapeute de superviser l’activité du psychologue, d’évaluer en cours de traitement l’opportunité de poursuivre la thérapie ainsi que son pronostic, et de décider à quel moment le traitement doit prendre fin.
Il est par ailleurs précisé qu’à tout moment, le psychologue peut s’adresser au psychiatre-psychothérapeute, en cas de besoin, pour un appui ou un conseil de quelque nature qu’il soit.
Dans l’hypothèse où la psychothérapie est prescrite par un médecin non-psychiatre, qui sera en mesure de superviser l’acte thérapeutique effectué par le psychologue-psychothérapeute?
Par ailleurs, auprès de qui le psychologue pourra-t-il s’adresser en cas de besoin? Les médecins généralistes, les gynécologues, ainsi que tout autre médecin non-psychiatre ne sont pas formés pour apporter leur expertise ainsi que le soutien dont nécessitera le psychologue.
Ainsi, le système proposé par les modifications apportées à l’Ordonnance sur l’assurance maladie créeraient des zones de « précarités thérapeutiques » où celui qui prescrit n’est pas en mesure d’identifier et de diagnostiquer les différents troubles dont souffre le patient (et, ainsi, l’opportunité d’une psychothérapie), et où celui qui sera en charge de la psychothérapie (le psychologue) ne pourra pas bénéficier de l’appui, de la supervision et de l’avis éclairé d’un médecin dûment formé à la problématique dont il est question.
Dès lors, qui sera responsable en cas d’incident?
Qui assumera la responsabilité médico-légale des traitements?
Qui assumera la responsabilité éthique en cas de suicide, ou de situation rendue chronique en raison de diagnostic erroné et de traitements inadaptés?
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Compte-tenu de ce qui précède, le Groupe des Psychiatres-psychothérapeutes Genevois est opposé au projet de modification de l’Ordonnance sur l’assurance maladie tel que proposé par le Conseil fédéral. Le Groupe des médecins de famille Internistes Généralistes partage la position du Groupe des Psychiatres-psychothérapeutes Genevois.
Le système actuel garantit non seulement une qualité des soins pour les patients, mais également un contrôle-qualité qui permet d’éviter que des soins prodigués par des psychologues, ne concernant pas des troubles psychiatriques, soient pris en charge par l’assurance de base.
Dès lors, le Groupe des psychiatres-psychothérapeutes Genevois demande que la prescription de la psychothérapie soit faite uniquement par les psychiatres-psychothérapeutes à l’exclusion de tout autre médecin.
En revanche, les psychiatres genevois ne s’opposent pas – bien au contraire! – à ce que les conditions cadres de la délégation des psychothérapies soient redéfinies par le Conseil fédéral afin que celle-ci s’opère dans les meilleures conditions possibles pour le patient, le psychologue-psychothérapeute, et le psychiatre.