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Emploi et protection des données

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L’application des dispositions de la protection des données dans le domaine de l’emploi couvre un champ très étendu, tant par le nombre des acteurs concernés (nous sommes pratiquement tous des travailleurs) que par les domaines qui peuvent être abordés (personnel, médical et social, entre autres).
Nous nous contenterons de développer ici les aspects liés à la protection des données et au secret professionnel du médecin en tant que médecin-traitant, médecin d’entreprise, médecin-conseil ou futur médecin du travail face à l’employé, l’employeur, la caisse de pension et l’administration. Souhaitant rappeler certains principes propres à guider le praticien dans son activité de tous les jours, nous n’aborderons pas les aspects généraux de la protection des autres données personnelles du travailleur auxquelles sont soumis les employeurs en vertu du Titre dixième du Code Suisse des Obligations (CO) ou de la Loi Fédérale Sur la Protection des Données (LFPD).

Le médecin traitant est celui dont le rôle apparaît comme le plus simple. Son mandat est clair, et sa relation ne concerne que le patient, avec lequel il a conclu un mandat.

Force est de constater toutefois qu’il devra parfois faire face à de fortes pressions de la part de l’employeur de son patient, en particulier en cas d’octroi de certificat d’arrêt de travail de durée indéterminée.

Dans ce cas, il n’y a aucune raison de ne pas maintenir, de façon absolue, la préservation du secret du patient. Il serait hautement condamnable, déontologiquement autant que pénalement, qu’une information de type médical soit transmise à l’employeur ou à son service du personnel.

Il convient néanmoins de briser ici une lance en faveur des employeurs, en particulier des petits artisans patrons pour qui la durée d’absence du collaborateur, souvent le seul d’ailleurs, doit impérativement être connue afin que puissent être prises rapidement les dispositions qui s’imposent, par exemple l’engagement de personnel temporaire en cas d’absence plus longue.

C’est dans ce sens que l’AMG a émis en son temps une recommandation, ajoutant que tout certificat devrait voir sa durée de validité limitée à un mois, quitte à le renouveler ensuite.

On ne rappellera jamais assez qu’un certificat non limité dans le temps risque de permettre à son bénéficiaire une durée d’absence beaucoup plus longue que prévue et que nécessaire. De plus, on se souviendra qu’un arrêt de travail d’emblée trop long ne protège plus, à terme, le travailleur, puisque son employeur aura finalement tendance à le licencier.

Tout cela mis à part, il est et reste exclu que le médecin traitant fournisse à l’employeur quelque renseignement que ce soit, y compris quant à la durée d’une absence. La seule exception demeure, bien entendu, l’accord du patient lui-même.

Le médecin-conseil, quant à lui, a une tâche particulièrement ingrate, que son mandat le lie à un employeur, un assureur ou à une caisse de prévoyance.

Il est utile de préciser pour ces trois catégories que l’on se trouve bien, sur le plan de la relation juridique, face à un mandat, sauf à de rares exceptions. Il est, en effet, peu courant que le médecin soit salarié dans les cas cités ci-dessus.

Au niveau du mandat, il n’existe pas entre le mandant et le mandataire de rapport de subordination semblable à celui qui prévaut dans le contrat de travail entre l’employeur et son collaborateur. Cela signifie que le médecin mandaté agit sans instruction et selon son libre arbitre et qu’il n’a donc pas à se plier à telle ou telle injonction de son mandant.

A un autre niveau, et quel que soit le statut du médecin, il lui est strictement impossible de communiquer à quiconque le moindre renseignement d’ordre médical, et ce, quelles que soient les circonstances. En effet, le fait qu’il n’existe pas de mandat entre le médecin-conseil et le patient qui lui est adressé ne supprime, en aucun cas, pour le premier l’obligation de respecter le secret médical.

La seule communication autorisée à un organe autre qu’un médecin est l’aptitude ou la non-aptitude à un travail, voire à un type précis d’activité.

Les principes sont les mêmes s’agissant du médecin du travail dont la généralisation dans la plupart des entreprises est prévue d’ici l’an 2000.

D’ailleurs, on constatera que la responsabilité du médecin face au maintien du secret sera toujours la même, quelle que soit la fonction qu’il exerce. Dès lors qu’il se trouve en situation de pratiquer son art, quel qu’en soit le bénéficiaire, c’est au Serment d’Hippocrate qu’il se réfèrera, plus prosaïquement au Code Pénal et à la Loi sur la Protection des données.

Dans le cadre des relations du travail, il est nécessaire d’aborder également la problématique des questionnaires dits « médicaux ».

Un questionnaire médical est généralement demandé en cas d’affiliation à une assurance privée (maladie, vie) ou à un fonds de prévoyance. Il en va souvent de même en cas d’affiliation à une assurance-maladie de base, quand bien même cette pratique n’a pas lieu d’être depuis l’obligation d’assurance instaurée par la nouvelle loi sur l’assurance-maladie (LAMal).

Ce que l’on connaît moins, ce sont les questionnaires médicaux demandés à des collaborateurs avant leur engagement, et indépendamment d’une affiliation à un deuxième pilier non obligatoire (en effet, si le travailleur n’est assuré qu’en vertu d’un deuxième pilier obligatoire, un questionnaire sur son état de santé n’a pas lieu d’être).

Ce type de questionnaire peut se révéler particulièrement sournois, et ce à trois égards:

  • on ne connaît pas avec précision sa destination, pas plus que son utilité, et il fait généralement partie intégrante d’un autre questionnaire plus général destiné à constituer une sorte de « curriculum vitae ». Il est donc remis au service du personnel, quand il n’est pas rempli avec l’aide d’une collaboratrice dudit service..
  • l’employeur n’a nul besoin de connaître l’état de santé réel de son futur collaborateur. S’il a recours à un médecin-conseil, celui-ci ne se prononcera, comme cité plus haut, que sur l’aptitude au travail proposé, sans mention aucune d’un diagnostic
  • un tel questionnaire méconnaît le principe général, d’ailleurs largement repris par la Loi Fédérale sur la Protection des Données, de la pesée des intérêts en présence. En l’occurrence, l’intérêt du travailleur à voir préserver son secret est plus important que celui de l’employeur à prendre connaissance de données sensibles dont l’importance par rapport au poste à repourvoir n’est pas prouvée.
  • Il ne s’agit pas ici de céder à une paranoïa semblable à celle qui avait agité le landerneau politique à l’époque de l’affaire des fiches, mais de faire sienne l’idée selon laquelle la protection de la sphère privée doit être quasi intangible et que le secret médical, même s’il est source de lourdeurs administratives, est essentiellement le secret du patient. A ce sujet, il est opportun de rappeler qu’à ce titre. Ce secret est opposable à quiconque, mais en tout cas pas au patient lui-même.

    Nous espérons avoir attiré ainsi l’attention du corps médical sur quelques points sensibles que l’on peut rencontrer dans le monde du travail. Certes, les dérapages ne sont jamais exclus, mais on les évitera d’autant mieux si le premier réflexe, avant toute décision, est de prendre le parti de se taire.

    J.-M. Guinchard