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Lettre ouverte au directeur général de la SSR

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Cet article a plus d'un an, les informations pourraient être perimées.

Heurté comme de nombreux médecins par le traitement réservé par la TSR, lors de son édition du TJ du 13 janvier 2011, au sujet de la surfacturation, le président de l’AMG a adressé au directeur général de la SSR, M. Roger de Weck, la lettre ouverte suivante. (pov)

Monsieur le Directeur général,

Sachant l’importance que vous avez accordée au respect de l’éthique et de la déontologie tout au long de votre carrière, permettez-nous d’attirer votre attention sur un traitement de l’information, qui n’en avait visiblement pas le souci.

Le sujet traitant de la surfacturation d’un médecin genevois diffusé lors du Téléjournal de 19h30 le 13 janvier 2011 a suscité de vives réactions parmi nos membres. Tout d’abord parce qu’il s’agit d’un cas exceptionnel à propos duquel nous n’avons, nous mêmes, aucune information et par conséquent aucun moyen de vérifier la véracité des faits allégués par ASSURA. Ensuite, parce que cette annonce de plainte pénale ne constitue pas pour autant une condamnation et qu’elle est délibérément rendue publique pour nuire à l’image de nos 1800 membres en activité qui respectent rigoureusement le tarif en vigueur.

Nous sommes particulièrement affligés par la légèreté avec laquelle le journaliste a traité ce sujet, diffusant sans esprit critique ni recherche d’information contradictoire les propos d’un assureur-maladie et de Santésuisse. Ainsi, les téléspectateurs auront-ils pu sans peine déduire que ce genre d’abus serait fréquent. Une telle partialité n’est pas acceptable. Nous relevons en particulier les points suivants :

1. Tant le titre «Ces chers médecins» que l’introduction du présentateur suggèrent d’emblée que ce genre de pratique n’est pas exceptionnel. La conclusion de la porte-parole de Santésuisse qui laisse entendre que les contrôles des assureurs maladie permettent d’économiser 1 milliard de francs par an est infondée. Si les assureurs vérifient de façon approfondie ou contestent des factures pour un tel montant, cela ne signifie pas que ces factures sont abusives. Elles sont le plus souvent parfaitement correctes même si, devant le harcèlement administratif, certains patients ou médecins abandonnent parfois leurs démarches pour se faire rembourser de montants modestes.

2. Qu’un médecin produise des factures atteignant l’équivalent de 26 heures de travail dans une journée, comme le déclare le directeur de la caissemaladie ASSURA, est évidemment scandaleux et intolérable, si c’est vrai. Il est d’ailleurs difficile d’imaginer qu’un excès aussi massif puisse avoir échappé aux patients ou aux assureurs traitant ces factures. Il faudrait en effet, même pour un médecin aux horaires excessivement chargés, que les factures soient plus que doublées pour arriver à de tels sommets. A-t-on seulement vérifié qu’il n’y avait pas cumul des prestations de plusieurs médecins sous un même nom, pratique qui n’a pas lieu d’être en dehors d’un établissement médical reconnu ?

3. Sans mettre a priori en doute le fond de cette affaire, nous sommes étonnés que cette dénonciation soit rendue publique par ASSURA. A notre connaissance, ASSURA a quitté Santésuisse, organisation faîtière des assureurs-maladie. Elle ne fournit ainsi plus ses données à Santésuisse et n’a plus d’accès aux données des autres assureurs. Or la clientèle d’un médecin est faite d’assurés de différentes caisses et une seule caisse ne peut disposer de données cumulant la totalité de l’activité d’un médecin.

4. La TSR cite l’exemple de deux factures de pédiatres pratiquant dans le même cabinet, l’une de 70 CHF, l’autre de 100 CHF. Une telle différence résulte naturellement de l’application du tarif Tarmed qui met l’accent sur un minutage précis de la consultation. Une question particulière des parents, un symptôme inhabituel ou un enfant particulièrement difficile peuvent parfaitement allonger la consultation et expliquer une facture d’un montant différent. Un forfait de consultation toujours identique signifierait que le médecin ne respecte pas les règles tarifaires.

5. D’une façon générale, des différences importantes de coût par patient sont habituelles dans une même spécialité, selon les particularités de l’activité et de la clientèle du médecin. Celui qui traite surtout des urgences ponctuelles chez des personnes en bonne santé aura des coûts par patient bas. Le suivi de malades chroniques ou en fin de vie se traduira en coûts considérablement plus élevés. Une pression économique renforcée et des poursuites judiciaires ne peuvent qu’inciter le médecin à renoncer à prendre en charge les cas difficiles pour les adresser d’emblée à l’hôpital. De même, un certain nombre d’assurés consultent plus tardivement, voire renoncent à certains traitements nécessaires sous la pression des coûts.

6. Il faut relever que les méthodes d’analyse statistique utilisées par les assureurs sont incapables de rendre compte de la diversité de la clientèle d’un cabinet. Elles mettent en cause tous les médecins qui dépassent de 30% la moyenne de la spécialité même lorsqu’ils ont une pratique parfaitement respectueuse. A procéder de la sorte, on dresserait une contravention à tous les conducteurs qui roulent à 100 km/h sur une autoroute où la vitesse moyenne serait de 80 km/h même si la limite autorisée est plus élevée. Si la loi ne donne aucun moyen de contrôle aux sociétés médicales, nous sommes cependant ouverts à la collaboration avec les assureurs lorsqu’il s’agit de déterminer les limites raisonnables dans un contexte particulier.

7. Enfin, la réponse du président de la FMH, Jacques de Haller, porte manifestement sur une question qui n’a pas de rapport direct avec le sujet traité. Il fait état des conséquences possibles de la pression tarifaire, mais pas dans un cadre de facturation abusive. Renseignement pris, il s’agirait d’une interview réalisée voici plusieurs semaines et sans lien avec ce cas particulier, ce qui n’est pas expliqué. Pour votre information, nous communiquerons le présent courrier à nos membres sous forme d’une lettre ouverte dans la prochaine édition de notre organe La lettre de l’AMG. En vous remerciant de votre appréciation, que nous publierons volontiers dans l’édition suivante, je vous adresse, Monsieur le Directeur général, mes bons et respectueux messages.
Pierre-Alain Schneider