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L'assurance-maladie des travailleurs frontaliers : la fin d'une dérogation temporaire

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De nombreux médecins nous questionnant sur l’introduction de la nouvelle réglementation relative à l’assurance-maladie des frontaliers, Mme Jacqueline Deck fait ci-dessous le point de la situation. Nous y reviendrons dans les prochaines Lettres en fonction des problèmes pratiques, d’intérêt général, auxquels les médecins et leurs patients frontaliers seront confrontés. (réd.)
Depuis le 1er juin 2014, les travailleurs frontaliers résidant en France ne peuvent plus choisir une assurance-maladie privée en lieu et place des régimes légaux suisses ou français. Pour certains, ce changement est la fin d’une solution sur mesure, pour d’autres, la fin d’un privilège.
Situation prévalant avant le 1er juin 2014
Un des grands principes du droit communautaire consacre l’affiliation au lieu de travail pour les personnes exerçant une activité lucrative en Suisse et résidant dans un pays de l’Union européenne. Toutefois, la Suisse et quelques Etats, dont la France, ont prévu dans le cadre de l’Accord sur la libre circulation des personnes entre la Suisse et l’Union européenne (ALCP) une exception en matière d’assurance-maladie: le travailleur frontalier actif en Suisse et résidant en France peut choisir entre le régime suisse et le régime français. C’est ce qu’on appelle le droit d’option.
Ce droit d’option est définitif et irrévocable, sauf changement de situation générant un nouveau droit d’option. Constitue en particulier un changement de situation le passage du statut de travailleur à celui de retraité bénéficiaire d’une rente suisse exclusivement. Ce droit d’option est maintenu pour les nouveaux travailleurs frontaliers et rien ne change pour les frontaliers assurés LAMal.
Une alternative s’offrait encore pour les personnes ayant choisi de s’assurer en France: elles pouvaient s’affilier soit à la Caisse Primaire d’Assurance Maladie (CPAM) dans le cadre du régime général de Sécurité sociale, soit auprès d’une assurance privée. C’est cette dérogation dans le droit d’option qui a été supprimée par la France au 1er juin 2014 ou à l’échéance du contrat d’assurance privée, mais au 1er juin 2015 au plus tard. Ainsi, tous les travailleurs frontaliers ayant souscrit une assurance-maladie privée en France (environ 90% d’entre eux) «basculent» à la Sécurité sociale, ce qui implique une nouvelle prise en charge de leurs soins.
L’enjeu de l’accès aux soins en Suisse
Il convient de rappeler que toute prise en charge des frais de soins par la France, y compris ceux effectués en Suisse, nécessite que les pathologies soient prévues par la législation française.
Les négociations entre le ministère de la santé, la Caisse nationale d’assurance maladie (CNAM) et les différentes associations de représentants des frontaliers ont abouti à un accord qui fige les règles de remboursement des soins pour les frontaliers. Plusieurs catégories ont ainsi été définies, avec à chaque fois, une prise en charge spécifique.
Les soins nécessaires durant un séjour temporaire en Suisse
Il s’agit de soins en marge du travail du travailleur frontalier, c’est-à-dire pendant les jours d’activité professionnelle en Suisse. Ce sont des soins inopinés ou urgents dits «nécessaires » du point de vue médical. Ils sont remboursés sur la base du tarif du lieu de soins, soit sur une base LAMal et ce, en principe, sur présentation de la carte européenne d’assurance- maladie (CEAM). Il s’agit d’une règle de droit communautaire selon laquelle toute personne assurée sociale dans son Etat d’origine peut bénéficier, dans un Etat membre de l’UE, EEE ou en Suisse, de soins médicalement nécessaires qui lui permettent de terminer son séjour temporaire.
Les soins nécessaires programmés en Suisse
Les soins programmés sont ceux nécessitant une hospitalisation d’au moins une nuit ou le recours à des infrastructures ou équipements hautement spécialisés et coûteux. Dans ce cas, le patient doit obtenir une autorisation préalable de la CPAM et, en cas d’accord, le remboursement s’effectue au tarif du lieu de prestation.
Les soins initiés avant l’échéance du contrat privé
Qu’il s’agisse de soins lourds en rapport avec une affection de longue durée ou de soins lourds sans rapport avec une affection de longue durée, il faut l’accord du médecin-conseil de la CPAM pour que les soins puisent être poursuivis en Suisse sur la base des tarifs suisses. Dans le premier cas, en fonction de la pathologie, une durée de prise en charge est convenue entre le médecin traitant et le médecinconseil. Au-delà de celle-ci, le patient doit être suivi en France. Cette appréciation se fait au cas par cas. Dans le second, c’est le médecin-conseil qui juge de la pertinence de poursuivre les soins en Suisse.
En dehors de ces situations, les frontaliers peuvent bénéficier d’un remboursement des soins non urgents en Suisse et sans autorisation préalable de la CPAM mais sur la base des tarifs français.
Choix du médecin traitant
Les frontaliers ont la possibilité de choisir un médecin traitant en Suisse. Celui-ci doit alors signer une convention avec la CPAM pour respecter le cadre du parcours de soins. Sauf s’il s’agit de soins programmés ou médicalement nécessaires en Suisse, le médecin traitant en Suisse ne peut se faire rembourser que sur la base des tarifs fixés par la législation française.
Sous réserve du dispositif tenant compte des spécificités de la situation transfrontalière et de la possibilité de souscrire une assurance complémentaire privée, force est de constater que les frontaliers concernés pourront se faire soigner en Suisse… mais à leurs frais selon les cas.
Jacqueline Deck, juriste