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Certificat médical d'incapacité de travail rétroactif : possible ?

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Les membres de l’AMG demandent fréquemment s’il leur est possible d’établir des certificats d’incapacité de travail rétroactifs en faveur de leurs patients, et quelle est la valeur probante de tels certificats. Il arrive en effet qu’un patient consulte son médecin tardivement et demande un certificat d’incapacité de travail débutant à une date antérieure à la consultation, l’incapacité de travail perdurant encore ou ayant déjà cessé. Dans la majorité des cas, la demande du patient vise à justifier son absence auprès de l’employeur, voire à récupérer une période de vacances gâchées par une maladie ou un accident. Il convient dès lors de replacer l’institution du certificat médical d’incapacité de travail dans son contexte juridique.
Selon l’art. 324a CO, l’employeur est tenu de verser le salaire pour un temps limité lorsque l’employé est empêché de travailler sans sa faute, par exemple en raison d’un problème de santé. Conformément à la règle de l’art. 8 CC, l’employé est tenu d’apporter la preuve de son empêchement non fautif de travailler. En cas de maladie ou d’accident, l’employé aura le plus souvent recours à un certificat médical d’incapacité de travail, soit «un document destiné à prouver l’incapacité de travailleur d’un patient pour des raisons médicales.»1
L’usage veut que le certificat médical d’incapacité de travail se limite aux informations indispensables à ses destinataires, soit l’employeur et/ou l’assureur. Le médecin doit y indiquer les nom et prénom du patient, le début et la fin de l’incapacité de travail, le degré de l’incapacité de travail, si la cause de l’incapacité est une maladie ou un accident, et la date à laquelle le certificat est établi avec signature du médecin. Il n’est pas nécessaire, et même contraire au secret médical de l’art. 321 CP, de mentionner le diagnostic ou d’indiquer le traitement suivi.
Le certificat médical d’incapacité de travail établi par le médecin doit être conforme à la vérité. Le médecin engage en effet sa responsabilité lorsqu’il établit un tel document. S’il atteste de faits contraires à la réalité, par exemple en cas de certificat médical d’incapacité de travail complaisant, le médecin se rend coupable d’une infraction à l’art. 318 CP. L’employeur et /ou l’assureur qui versent le salaire ou des indemnités journalières sur la base d’un tel certificat peuvent agir pénalement contre le médecin, de même que civilement en réparation du dommage ainsi causé2. Le médecin s’expose également à des sanctions déontologiques s’il établit un certificat d’incapacité de travail de complaisance (art. 34 du Code de déontologie de la FMH).
Un certificat médical d’incapacité de travail ne peut pas être établi pour une durée indéterminée3. En pratique il doit être limité à une période de quatre semaines maximum, puis, cas échéant, être renouvelé lors d’une nouvelle consultation.
Le certificat médical d’incapacité de travail ne constitue pas une preuve absolue de l’incapacité. Sa force probante est, comme tout autre moyen de preuve, soumise à la libre appréciation du juge.
La crédibilité d’un certificat médical découle de l’expérience professionnelle de celui qui l’établit. Lorsqu’un certificat médical atteste de faits qui ne relèvent pas de la sphère médicale, sa valeur probante est douteuse. Ainsi, dans les situations de prétendu mobbing, le médecin qui constate dans un certificat médical que l’atmosphère régnant au sein de l’entreprise empêche la poursuite des rapports de travail atteste en réalité d’un élément subjectif basé sur les seules déclarations du patient. Le juge doit en principe écarter un tel certificat médical4.
On ne peut d’emblée écarter un certificat médical rétroactif, mais celui-ci peut toutefois s’avérer problématique. En effet, un médecin ne peut juger que de façon assez limitée si la prétendue incapacité de travail existait déjà avant qu’il examine le patient. Un certificat médical rétroactif doit dans tous les cas contenir les éléments suivants: date du début de l’incapacité de travail, date de l’établissement du certificat médical, et date du premier traitement ou de la première consultation5. La durée de la rétroactivité ne devrait pas excéder quelques jours6, en général 3 à 4 jours, voire tout au plus une semaine selon la pathologie7.
Il convient d’être particulièrement circonspect à l’égard d’un certificat médical rétroactif établi dans les circonstances suivantes :
(a) l’employé se rend chez le médecin après avoir reçu la résiliation de son contrat de travail, et le médecin atteste d’une incapacité de travail rétroactive pouvant affecter la validité ou l’échéance de la résiliation
(b) l’employé attend la veille de l’échéance de son délai de résiliation au cours duquel il a demandé sa réintégration pour produire un certificat médical largement rétroactif8.
L’ampleur des conséquences d’un certificat médical rétroactif peut également justifier de mettre en doute la réalité de l’incapacité de travail alléguée9. La doctrine estime par ailleurs qu’il convient d’admettre avec une grande réserve la rétroactivité de certificats médicaux attestant d’atteintes psychiques, par opposition aux affectations organiques dont on admet qu’elles puissent être découvertes plus tard10.
Prof. Philippe Ducor
Avocat conseil de l’AMG
1 Arrêt du TAF du 1er septembre 2015 n° A-6410/2014, consid. 4.3.4.2.
2 Philippe CARRUZZO, Le contrat individuel de travail, Commentaire des articles 319 à 341 du Code des obligations, 2009, p. 200.
3 Manuel de la Société Suisse des médecins-conseils et médecins d’assurances (SSMC), Incapacité de travail, certificat médical et expertise, 3e éd., 2009.
4 Olivier SUBILIA, Les divers empêchements de travailler, in Panorama du droit du travail, 2009, p. 80
5 Arrêt du TAF du 1er septembre 2015, n° A-6410/2014, consid. 4.3.4.2.
6 Arrêt du TAF du 1er septembre 2015, n° A-6410/2014, consid. 4.3.4.2.
7 Olivier SUBILIA/Jean-Luc DUC, Droit du travail, Lausanne, 2010, p. 591, § 26 Manuel de la Société Suisse des médecins-conseils et médecins d’assurances (SSMC), Incapacité de travail, certificat médical et expertise, 3e éd., 2009.
8 Rémy WYLER/ Boris HEINZER, Droit du travail, 3e éd., 2014, p. 228.
9 Philippe CARUZZO, Le contrat individuel de travail, Commentaire des articles 319 à 341 du Code des obligations, 2009, p. 201.
10 Rémy WYLER/Boris HEINZER, Droit du travail, 2015, p. 684.