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Pilotage du domaine ambulatoire : admirable rétropédalage sous la coupole fédérale !

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Stupeur et colère lors de l’annonce, le 18 décembre dernier, du refus par le Parlement fédéral d’entériner la prolongation du moratoire sur l’ouverture des cabinets médicaux. Le vote s’est joué à une voix. Pourtant, dans la semaine précédant le vote, les médias titraient : Gel des admissions de médecins avalisé… C’est dire si la décision abrupte du Conseil national, venant après une adoption à une large majorité par le Conseil des Etats, a sonné comme un coup de tonnerre.
Genève citée en exemple pour son pilotage
Le moratoire, accepté par la Fédération des médecins suisses (FMH) et par l’Association des médecins-assistants et chefs de clinique (ASMAC), comportait plusieurs volets : premièrement, la régulation cantonale du nombre de cabinets médicaux en empêchant l’ouverture de tout nouveau cabinet lorsque la densité médicale est suffisante dans une discipline médicale deuxièmement, l’obligation d’effectuer au moins trois années dans un établissement suisse de formation reconnu, garantie d’une connaissance du tissu local, d’une formation de qualité et d’une meilleure intégration au sein du réseau de soins cantonal enfin, la maîtrise de la langue de la région où le médecin pratique.
Dire non à ce compromis politique, c’est ignorer tout le travail qui est effectué à Genève en partenariat avec le département de la santé, les Hôpitaux universitaires, les cliniques privées, les représentants des jeunes médecins et l’AMG. L’exemple le plus parlant de cette étroite collaboration est la commission quadripartite qui se réunit une fois par mois pour étudier toutes les demandes de droit de pratique. L’AMG contribue à la régulation cantonale au travers de son enquête annuelle portant sur la difficulté de trouver un rendez-vous chez un collègue d’une autre discipline pour ses propres patients. La régulation cantonale est essentielle.
Torpillage par six élus genevois…
Six parlementaires genevois sous la coupole ont refusé le moratoire : deux de l’UDC : Mme Amaudruz, M. Nidegger trois du PLR : MM. Genecand, Hiltpold et Lüscher et un du MCG : M. Golay. Comment ont-ils oser mettre fin au gel des admissions, alors que le travail effectué dans ce domaine est souvent cité en exemple dans le pays ? Entendre M. Genecand évoquer au soir du 18 décembre qu’il faut laisser jouer la concurrence et qu’il a voté non en pensant aux jeunes médecins empêchés de s’installer, est un non-sens. Il a montré l’étendue de son ignorance politique dans ce dossier, à la hauteur, il est vrai, de sa jeunesse parlementaire. Reconnaissons-lui, au moins, le courage d’être allé devant les médias tant la colère était déjà forte, tous n’ayant pas accepté les micros tendus pour aller expliquer leur incompréhensible refus. Que dire du vote de M. Golay, membre du Conseil d’administration des HUG, directement issu d’un parti qui a toujours lutté contre l’abandon du libre choix du médecin et proche à la fois du magistrat en charge de la santé à Genève et de l’Association suisse des assurés dont M. Poggia était président il y a peu, sinon que son vote est atterrant ?
Le libre choix du médecin
Le 1er juin 2008 et le 17 juin 2012, le peuple souverain a balayé la mainmise des assureurs sur le système de la santé et a défendu, à l’unanimité des cantons, le libre choix de son médecin. Des votes clairs avec, en 2012 lors du vote sur la loi dite Managed Care sur les réseaux de soins, 86% des Genevois (76% des Suisses) opposés à la fin de l’obligation de contracter.
Les partisans du non au moratoire ont été directs, ils prônent la fin de la liberté de choix de son médecin par le patient en souhaitant offrir aux assureurs le choix des prestataires qui seraient remboursés. Comment s’en étonner lorsque l’on sait que le président de Santésuisse, le parlementaire UDC Heinz Brand, et le président PLR de Curafutura, l’autre faîtière des assurances, M. Ignazio Cassis, sont les leaders d’opinion dans le domaine de santé de leurs partis sous la coupole fédérale? CQFD : la levée de la clause du besoin entraînera le chaos avec l’afflux de trop nombreux médecins et les primes exploseront. On entendra alors les assureurs prétendre qu’eux seuls peuvent réguler l’offre médicale.
Par deux fois, le peuple a choisi de montrer qu’il était attaché à la liberté qui permet au patient de choisir son médecin dans le cadre de l’assurance de base. Nous retournerons devant le souverain si la majorité des parlementaires essaie à nouveau de donner les pleins pouvoirs à leurs amis assureurs. Le vote du 18 décembre 2015 montre qu’il faudra couper le lien incestueux entre les parlementaires et les assurances-maladie, comme cela a été fait pour La Poste, Swisscom et les CFF: les ficelles sont trop grosses et les intérêts évidents.
La bonne médecine
Une bonne formation médicale en milieu universitaire et dans les établissements de formation suisses reconnus est un gage de qualité médicale. Face à des formations qui répondent à des exigences de formation plus légères, nous défendrons toujours l’acquisition du titre de spécialiste en médecine interne générale, acquise au terme d’un parcours universitaire postgrade obligatoire de cinq ans et sanctionnée par un examen fédéral. En mettant fin au moratoire, les parlementaires UDC et PLR ont mis fin à une prise en charge optimale des patients basée sur une formation médicale approfondie.
Comme lors de la dernière levée du moratoire en 2012, nombre de médecins afflueront bientôt, avec des CV qui attestent d’une formation moindre en termes universitaires et de formation continue, mais qui pourront ouvrir leurs cabinets grâce au jeu des Accords bilatéraux. Il est surprenant que l’UDC ait opté pour l’arrivée massive de médecins étrangers au 1er juillet 2016 et que le PLR ait refusé une gestion cantonale dans un domaine où seuls les cantons sont aptes à piloter et réguler l’offre médicale.
Rétropédalage
Dès le lendemain du refus du moratoire, on a pu assister à une véritable leçon de rétropédalage politique : en arrière toute ! Il semble que les parlementaires se soient rapidement rendu compte de leur erreur politique, car au-delà de prôner une maîtrise des coûts, encore faut-il avoir l’ombre d’une solution. Ouvrir grand les frontières amènera au chaos et à l’explosion des primes, il y a mieux comme programme politique. La fin de l’obligation pour les assureurs de contracter avec tous les médecins sera combattue. La rémunération en fonction de la densité médicale, au lieu de valoriser les régions périphériques, tendrait à entraîner une baisse des tarifs dans les centres urbains. Reste à connaître la définition du bassin de population retenu pour Genève, où nous soignons largement au-delà des frontières cantonales. A cet égard, il faut rappeler que les médecins de famille ont déjà vu leurs revenus chuter drastiquement avec la volonté politique de mettre fin au laboratoire et à la radiologie au cabinet, tandis que les spécialistes ont perdu 8% du point technique, sans parler de la révision attendue du TARMED. Les médecins genevois facturent moins cher qu’il y a dix ans. On ajoutera qu’il est question de mesurer la qualité médicale, thème récurrent dont les critères ne pourront être mis dans les mains des assureurs.
Le 1er juillet 2016
Le 1er juillet, c’est demain. La Commission de la santé du Conseil national vient de demander le 22 janvier 2016 la prolongation en urgence du moratoire pour trois ans afin de se donner le temps de trouver des solutions pour freiner la hausse des coûts. Sans aucun doute, c’est du côté de notre système de financement de la santé que le travail devra s’orienter prioritairement : il est à bout de souffle et l’augmentation des primes ne saurait se poursuivre au rythme actuel.
A l’heure actuelle, la prolongation du moratoire des cabinets médicaux n’est pas acquise. Suite de la saga dans les prochains numéros…
Michel Matter